La clause de non-concurrence en matière civile et commerciale : une distorsion au principe de la liberté du commerce et de l’industrie à apprécier concrètement en fonction de l’objet du contrat :

Le principe bien ancré de la liberté de commerce et de la libre concurrence:

Il est important de souligner qu’au Luxembourg, le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, avec son corollaire, la libre concurrence, remonte aux années quatre-vingt-dix du 18ème siècle. On ne peut par conséquent aborder la question de la clause de non-concurrence sans omettre que le régime juridique de cette clause s’inscrit sous le principe bien établi que la concurrence est un droit avant toute chose.

Les critères caractérisant une clause de non-concurrence:

La clause de non-concurrence est donc une exception à ce principe établie sous certaines conditions et limites.La clause de non-concurrence peut se définir comme la clause au terme de laquelle le débiteur de cette obligation s’engage à ne pas exercer d’activités de nature à faire concurrence au créancier de cette obligation.
Il est constant que la validité d’une clause de non-concurrence dépend de plusieurs facteurs: Cette clause doit être limitée dans son objet, dans le temps, et l’espace, mais surtout être proportionnée à la protection des intérêts du créancier de cette clause.

L’appréciation de la protection des intérêts du créancier de la clause de non-concurrence:

Un jugement du 19 décembre 2018, rôle TALCH17/00340 a notamment rappelé l’importance de ce dernier critère. A cet égard, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a annulé une clause de non-concurrence inscrite dans un contrat de collaboration entre indépendants prévoyant une limitation géographique de 10kms non respectée à 1kms près et une limitation temporelle de 3 ans. Il a rappelé que pour admettre la licéité d’une clause de non-concurrence, il ne suffit pas de vérifier qu’elle contient bien les limites temporelles et géographiques. Il incombe au juge de vérifier concrètement si les limitations établies ne sont pas disproportionnées à l’objet du contrat de manière à apporter une restriction excessive à la liberté d’exercice.

Il s‘agissait en l’espèce du cas de deux indépendants qui exerçaient au sein du même établissement créé par Y dans lequel X exerçait sous son propre nom avec ses propres moyens et sous sa propre responsabilité. Le tribunal a, à juste titre, retenu que dans ce contexte, « le risque que tend à éviter la clause de non-concurrence, à savoir qu’X n’abuse de la situation particulière qu’il entretenait avec Y afin de lui causer préjudice, est sérieusement contrebalancé par le risque, inverse, qu’une partie de la clientèle personnelle d’X reste attachée au cabinet d’Y après la rupture contractuelle. »

Dès lors c’est à bon droit que le tribunal s’est attaché à analyser concrètement la nature des relations entre parties et l’apport effectif de cette relation. Partant de cette analyse, il a écarté les limitations géographique et temporelle en retenant l’existence d’un nombre important de praticiens dans cette branche, ce qui rendait disproportionnée toute limitation en ce sens et tendait à empêcher le libre jeu de la concurrence et le libre exercice de sa profession.

Ce jugement nous rappelle ainsi, à titre pratique, que la rédaction d’une clause de non-concurrence tout comme son acceptation doit être faite en fonction de la situation concrète des relations entre parties, du domaine de compétence visé, mais aussi en fonction du territoire ciblé.Une assistance juridique dans la rédaction d’une telle clause est dès lors fortement conseillée alors que l’insertion d’une clause générique n’aura certainement pas la portée souhaitée, au vu du marché luxembourgeois selon le domaine de compétence alors que nous devons vérifier que la clause de non -concurrence a bien pour objet d’éviter qu’une personne n’abuse de la situation particulière qu’elle entretient ou qu’elle a entretenue avec le créancier de l’obligation de non-concurrence, et ainsi ne lui cause préjudice.

Le 18 février 2019

Rachel JAZBINSEK, Avocat à la Cour- Associée.

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